Ce blog est plutôt technique, habituellement. Aujourd’hui, ce ne sera pas le cas, je vous enjoint donc à fermer directement cette page si vous n’êtes pas prêt à en savoir plus sur mes convictions politiques.

Je n’ai pas pour habitude d’étaler mes idées personnelles sur l’espace publique. Mais il y a une chose en France à laquelle je n’aime pas qu’on touche: la médecine.

Il se trouve qu’il y a quelques jours, Sylviane Bulteau, secrétaire nationale du Parti Socialiste (et députée, et Conseillère départementale de la Vendée… Tiens, on cumule ?), a eu les mots malheureux je maintiens que la médecine française est sous perfusion de l’argent public dont le salaire des internes

Je suis ébahi de voir ce genre de propos sortir de ce genre de bouche (de clavier ?). D’une part, parce que je croyais (probablement un peu trop naïvement) que le S de PS voulait dire Socialiste.

Et d’autre part, parce qu’il me semblait que la médecine française avait surtout pour vocation de soigner le peuple français, et pas d’être rentable au premier regard (j’y reviendrais plus tard).

La Médecine Française (capitalisée, parce qu’elle le mérite)

Je paye des impôts. J’en paye même pas mal (entre un tiers et un quart de mon salaire environ). Et quand j’ai commencé à travailler à temps plein (je travaillais déjà à temps partiel, pour payer mon loyer d’étudiant, du beurre sur les pâtes, des petits plaisirs, et cela depuis 1998, l’année de mes 18 ans), en 2004, je m’en plaignais.

J’avais suivi l’école publique jusqu’à un premier échec au bac (rattrapé dans une boite à bac onéreuse pour laquelle je ne remercierai jamais assez mes parents), suivi d’une école d’ingénieur (elle aussi couteuse, merci Maman, merci Papa). Je n’avais jamais eu d’ennui de santé majeur, et je n’ai jamais eu à être défendu par les forces de l’ordre ou la justice. Je ne voyais donc pas vraiment à quoi servait cet argent qui aurait pu me permettre de m’acheter un home cinéma, de refaire ma garde robe, ou de partir en vacances. Alors je râlais.

Avance rapide quelques années plus tard. Je suis en vacances avec ma compagne, en Écosse. Cette dernière contracte une curieuse infection. En bon français, nous sortons de notre hôtel, attrapons un taxi, et allons à l’hôpital (la destination la plus naturelle du monde lorsqu’on est habitué au système médical français). Sur le moment, j’étais persuadé que cela allait nous faire une histoire amusante à raconter: Les deux français baragouinant pour expliquer les symptômes, l’une au bord du malaise à cause d’une méchante fièvre, et sauvée par un bourru médecin écossais qui finirait par nous congédier avec une ordonnance et un sourire.

  • Les deux français qui baragouinent: check
  • Ma compagne au bord du malaise dans le hall de l’hôpital: check
  • Le finalement souriant médecin écossais bourru: pas check du tout.

Nous n’avons même pas passé l’accueil de l’hôpital, où on nous a expliqué d’un ton assez ferme, “qu’il fallait partir, maintenant”. (Je vous la fait short: Nous avons finalement réussi à voir un médecin du StockBridge Medical Center, mais en arnaquant la réceptionniste en prétendant que nous avions déjà un rendez-vous (suite à une première tentative où l’on ma raccroché au nez lorsque j’ai expliqué que j’étais français, nous avions décidé de la jouer plus subtile), et en payant en cash AVANT la consultation).

Depuis le choc de la découverte que la médecine n’était pas un droit dans tous les pays, j’ai définitivement arrêté de me plaindre des impôts que je payais (voir, parfois, une étrange sensation me parcourt, un peu comme si j’étais fier que mon argent serve à maintenir des conditions de vie avec lesquelles on vous soigne avant de vous demander si vous pouvez payer. Bizarre, hein ?).

Yuval Noah Harari, lors de sa conférence à L’USI 2016, a présenté sa vision de la différence entre les véritables individus (vous qui lisez ce texte, votre voisin, moi même, les animaux, etc) et les personnes fictionnelles (les unités monétaires, les organisations, les pays, les entreprises, etc). Pour lui, tout ce qui peut souffrir est vrai, et le reste n’est que fiction.

La Médecine Française, elle, mets les individus véritables avant les fictions. Et il est important de savoir que ce n’est pas le cas partout dans le monde (bien loin de là, nous sommes même une des exceptions). Pour cela, elle mérite notre respect et notre gratitude.

On pourrait même aller jusqu’à dire que la Médecine Française n’a qu’un seul objectif: permettre au peuple français de vivre mieux (Tiens, c’est amusant, il me semblait que cela devrait aussi être l’objectif d’un député socialiste). En cela, utiliser l’argent publique pour financer une partie de la Médecine Française n’est pas une perfusion ou un poste de dépense. C’est financer, directement et sans contestation aucune, le bien-être du peuple français (ce qui semble un usage plutôt pertinent de l’argent des français, que vous appelez “argent publique” comme si il s’agissait du votre, Mme Bulteau).

Les Internes (capitalisés aussi, parce que sans eux, il n’y aurait pas de Médecine Française).

Pour ceux qui ne savent pas forcément qu’est ce qu’un Interne, en vulgarisant très fort, il s’agit des stagiaires qui travaillent dans les hôpitaux (vous pouvez en apprendre plus sur la page WikiPedia qui leur est dédiée).

Ils sont globalement mal payés (moins de 1400€ brut/mois pour un 1er année, et un peu plus de 2000€ brut/mois pour un 5eme année, hors gardes, qui ne sont parfois même pas payées), et font des heures de dingues (les fameuses gardes…).

Je rappelle qu’un salaire de député, c’est environ 7000€/mois, soit de quoi s’offrir 5 Internes de première année (De combien de personnes avez vous sauvé la vie, cette année, Mme Bulteau ? Assez pour justifier que vous soyez payée comme 5 Internes de médecine ?). Sans compter les autres revenus dont peut bénéficier quelqu’un qui cumule les fonctions de député, conseiller départemental et secrétaire nationale du PS (au tourisme, vous maitrisez, ça, le tourisme, hein ?).

Une grande partie de l’activité de la Médecine Française est due au fait que des gens dédiés et volontaires acceptent d’être mal payés pendant au moins cinq ans.

Personne n’est obligé d’être d’accord avec le système de santé français. Néanmoins, leur dévouement devrait valoir aux Internes le respect (et à minima, de ne pas être traité de parasite en sous texte d’un message publique d’une personne publique).

La conclusion

Mme Bulteau,

Vous ne lirez probablement jamais ce texte, il ne servira donc peut être à rien d’autre qu’à me soulager de la bile qui s’est accumulée dans mon ventre suite à votre commentaire indigne.

Comme vous semblez l’avoir oublié, les femmes et hommes politiques français se doivent d’être au service du peuple français, et non l’inverse. Votre sortie suivante, prenant à partie publiquement une personne privée en l’enjoignant à se taire plutôt qu’à exprimer son désaccord et en débattre, me laisse penser que vous vous imaginez encore vivre à une autre époque, dans laquelle la classe dirigeante fait ses choix et ses allocutions sans avoir de compte à rendre à qui que ce soit.

Des excuses et/ou un rectificatif seraient de mise, mais pour m’être intéressé à quelques unes de vos interventions publiques, je crains que cela n’arrive jamais. J’enjoins donc le peuple français, et plus particulièrement les Internes de la Médecine Française à pardonner la députée que vous êtes. Vous ne saviez probablement pas.

Pour finir, je maintiens que le gouvernement français est sous perfusion de l’argent public dont le salaire des députés.

;)